Un «petit prince» aux pays des mollahs en Iran
Ce genre d’histoires, on s’attend à les lire dans
les vieux récits du Moyen-Âge, pas à la fin du XXème siècle.
23 août 1964, Ahmad Raouf Bacharidoust naît à Astara, une petite ville au
bord de la mer Caspienne en Iran. Le cadre de vie est idéal dans cette région
aux collines verdoyantes. Avec sa grande sœur Massoumeh et toute sa famille,
Ahmad a tout pour se sentir heureux. Sauf que...
La vie d'Ahmad Raouf Bacharidoust, surnommé le petit prince par «ses
familles», sa famille naturelle d'abord et celle constituée de ses frères
d'armes et compagnons de cellule ensuite, connaîtra pourtant de nombreux
rebondissements. Le jeune homme comprend vite qu'il devra se battre pour
survivre. Et pourtant, il a la chance d'être né dans une famille unie.
Pressé, le jeune homme ne supporte aucune
injustice. Sa fraîcheur, sa jeunesse, son insouciance et son insolence feront
de lui un personnage marquant de la lutte contre les mollahs.
«Un petit prince au pays
des mollahs» est une BD captivante qui relate son histoire. Celle d'un jeune homme
parmi tant d'autres qui, au péril de sa propre vie, luttera jusqu'à son dernier
souffle contre toutes les tyrannies.
Du Chah aux mollahs, d'une tyrannie à l'autre...
En 1979, il a 15 ans quand la
monarchie est renversée par un peuple en révolution. Certain de sa
libération du joug du Chah, le peuple d'Iran chante et danse. Mais les
réjouissances seront de courte durée.
Très vite, les Iraniens se sentent dupés. Le pays se divise. D'un côté, la
masse des justes, réclamant liberté et démocratie. De l'autre, la horde de
fidèles à celui qui deviendra sous peu le Guide suprême du premier État
islamique du monde. En quelques mois, la tyrannie du Chah a
laissé place à la tyrannie des mollahs. Le peuple est spolié.
Les mollahs et les accords passés sous la table ont volé la révolution
démocratique. Pour les combattants de la liberté, il faut poursuivre la lutte. Coûte que coûte.
Pour la famille d'Ahmad, et pour tous les résistants, c'est un long enfer
qui commence. Les libertés individuelles se réduisent et les milices islamistes
du nouveau tyran exercent leur pouvoir sur les intellectuels et les forces
progressistes et libérales réunies autour des Moudjahidine du Peuple, formés de
jeunes musulmans anti-intégristes.
Passages à tabac, emprisonnements, tortures... Toute la famille y passe...
Chez les Bacharidoust, c'est d'abord Massoumeh qui est condamnée à 20 ans
de prison. Puis, ce sera au tour d'Ahmad et de ses frères d'armes. Pour autant,
le jeune Ahmad ne s'est jamais départi de son sens de l'humour et refuse de
s'agenouiller devant ses bourreaux. Plus qu'un révolutionnaire, il est un
symbole de la lutte, une source d'inspiration pour ceux qui le côtoient.
Il est de ceux qui poursuivent la lutte,
solidaires et habités par un véritable idéal. Un idéal, ça ne souffre pas. Ça
ne meurt jamais. Mieux. Ça germe, et ça finit toujours par fleurir...
C'est pour cette raison qu'Ahmad et ses compagnons se battent. Tous ont
perdu des membres de leurs familles respectives. Tous sont torturés. Parfois
tous les jours. Tous souffrent atrocement de leurs blessures, du manque de
soin, du manque de tout...
En fin d'année 1987, Ahmad finit par être libéré. Sa peine de cinq ans est
terminée. Et alors que ses proches lui demandent de cesser ses activités dans
la résistance, il ne peut se ranger à l'idée d'une vie «normale». Ce serait
renier tout ce pour quoi il s'était battu.
Il envisage donc de quitter le pays, de rejoindre sa sœur à l'étranger pour
poursuivre le combat contre les mollahs. Mais Ahmad ne la reverra jamais. À
mi-chemin de son périple, il se fait arrêter par les collabos et retourne à la
case prison.
... Jusqu'au massacre de l'été 1988
Cette fois, les choses sont différentes. Nous sommes au printemps 1988
et le Guide suprême
religieux a lancé une fatwa. De celles qui resteront dans l'histoire de l'humanité comme un ordre des
plus abjects qui soient: tuer tous les opposants au régime. Dans toutes les
prisons, des files de prisonniers politiques se forment devant des tribunaux
organisés pour l'occasion. Il sera exécuté, dans les collines verdoyantes au
pied du lac d'Ourmia, par les gardiens de la révolution...
Plus qu'une bande dessinée, ce livre raconte la
vie d'un jeune homme entièrement consacrée à la défense de la liberté. Son
histoire permet de mieux mettre en relief la tyrannie du régime des mollahs et
son impunité.
Car, aujourd'hui encore à la tête de l'État, les principaux acteurs du
massacre de l'été 1988 sont au pouvoir. Le Guide suprême Ali Khamenei et le
président Hassan Rohani occupaient déjà à l'époque les plus hautes
responsabilités.
Ceux que l'on nomme modérés
en Occident ont du sang sur les mains, et ne le renient même pas.
L'enfer que vivent les Iraniens depuis l'avènement du régime islamiste se
poursuit encore de nos jours. La plupart des familles
qui ne connaissent toujours pas la date de la mort de leurs proches, ni même
le lieu d'inhumation. Ahmad est né le 23 août 1964 et est mort exécuté durant
le mois d'août 1988, peut-être le jour de ses 24 ans.
Ce genre d'histoires, on s'attend à les lire dans les vieux récits du
Moyen-Âge, pas à la fin du XXe siècle. Et pourtant... Pour tous ceux qui
veulent connaître l'épopée des résistants en Iran, ce récit est un
indispensable. Voilà un
biopic marquant!
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