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jeudi 27 novembre 2025

Iran. Une prisonnière politique condamnée à mort en dix minutes

 Par Massoumeh Raouf, publié le 19/11/2025 sur https://www.oeil-maisondesjournalistes.


Détenue à la prison de Lakann à Rasht, Zahra Shahbaz Tabari a été condamnée à mort pour rébellion au terme d’un procès expéditif. Les autorités iraniennes lui reprochent sa participation au mouvement « Femme, Resistance, liberté. »

Avec plus de trente ans de carrière au service de l’administration du Guilan, Zahra Shahbaz Tabari, 67 ans, est aujourd’hui une ingénieure à la retraite. Elle a été arrêtée le 17 avril 2025 (28 Farvardin 1404) par des agents de sécurité, sans mandat de perquisition ni d’entrée à son domicile de Rasht. Le processus qui a mené à sa condamnation est une description accablante d’un déni de justice, selon les notes manuscrites de la détenue. Le 4 octobre, la séance de la première chambre du tribunal révolutionnaire de Rasht est présidée par le juge Ahmad Darvish-Goftar.

Zahra Shahbaz Tabari y a assisté en visioconférence. Elle témoigne : « Dans la cour, le son était coupé et intermittent… Ils m’ont juste demandé : “Quelle est votre défense finale ?” J’ai répondu, mais ils n’ont pas inscrit ma réponse dans le procès-verbal. Il ne leur a fallu que dix minutes pour prononcer la peine de mort. »

Son fils, Soroush Samak, s’est aussi fait l’écho de l’attitude méprisante des juges : « Quand ma mère parlait, les juges riaient entre eux tout en prononçant la condamnation à mort. » L’accusation principale contre Mme Shahbaz Tabari est celle de baghi (rébellion armée contre l’État, NDLR). Elle fait mention d’une prétendue adhésion au groupe, les Moudjahidine du Peuple (OMPI) que le régime iranien désigne comme terroriste.Malgré la gravité de l’accusation, les preuves mentionnées dans son dossier sont d’une légèreté déconcertante :

– Un morceau de tissu sur lequel était inscrit le slogan de protestation : « Femme, Résistance, Liberté ».

– Un fichier audio personnel enregistré sur son téléphone, « dans un coin de la maison et qui n’a jamais été envoyé à personne ».

L’ingénieure elle-même a souligné la contradiction juridique dans sa note :

« Ce slogan est-il contre le régime ? Est-ce qu’un message vocal retrouvé dans un coin de la maison peut être une preuve de baghi ? Cela mérite-t-il la peine de mort ? »

L’instrumentalisation de l’article 287 du Code pénal islamique – qui exige qu’un baghi soit caractérisé par une insurrection armée organisée – est manifeste. Ce schéma de répression a déjà visé d’autres activistes dans la province du Guilan.Le régime a non seulement bafoué ses droits légaux, mais aussi exercé une pression psychologique intense. Son fils a révélé qu’elle avait été « torturée moralement » et menacée de voir ses enfants arrêtés si elle n’avouait pas.

Face à cette injustice systémique, l’ingénieure s’est tournée vers l’opinion publique internationale. Elle a lancé un message vibrant en faveur de l’abolition de la peine de mort. Elle souligne que son sort est lié à celui de nombreux autres prisonniers politiques. « Ils m’ont condamnée à mort juste à cause d’un mot — baghi — un mot qui leur suffit pour menacer d’exécution tout opposant politique ou toute personne ayant une pensée indépendante. »

Elle insiste sur la responsabilité collective :

« Pour moi, ce n’est pas seulement la question de sauver une vie, mais d’en sauver beaucoup d’autres. Chaque petit pas pour sauver une vie peut être un grand début pour un mouvement qui condamne la violation des droits humains. »

Son appel se conclut par une référence à Neil Armstrong : « Je me tourne vers les gens du monde et le jury de la conscience mondiale. S’il vous plaît, élevez la voix pour la justice et la liberté, en notre nom. » Cette condamnation intervient dans un contexte d’exécutions massives en Iran : près de 300 exécutions rien qu’en octobre 2025, dont au moins sept femmes.

L’exécution de Zahra Shahbaz Tabari, si elle devait avoir lieu, confirmerait l’usage de la peine de mort comme instrument de terreur et de censure contre la société iranienne. Son affaire est devenue le symbole de cette peur, un avertissement destiné à intimider les femmes iraniennes, en première ligne des mouvements de résistance. Zahra Shahbaz Tabari paie aujourd’hui le prix de son attachement aux idéaux de liberté et de résistance. Elle incarne la faillite d’un système judiciaire où, selon ses propres mots, « rien n’était conforme à la loi ».

De nombreuses organisations internationales de défense des droits humains, dont le Comité des femmes du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), ont appelé les Nations unies et les puissances mondiales à intervenir d’urgence pour la sauver.

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