Par Massoumeh Raouf
Deux juges du régime iranien, Ali Razini et Mohammad Moghisseh, figures emblématiques de la répression judiciaire, ont été assassinés devant la Cour suprême à Téhéran. Cet événement a suscité une vive réaction, en raison de leur implication dans des décennies de répression et de violations flagrantes des droits humains.
Survenu samedi matin, cet assassinat a ravivé le débat sur leur responsabilité dans le massacre de 1988, qui a coûté la vie à plus de 30 000 prisonniers politiques, parmi lesquels mon frère, Ahmad Raouf Basharidouste.
Un acte accueilli par le peuple réprimé
Selon les rapports officiels, un infiltré au sein du système
judiciaire aurait abattu les deux juges à l’aide d’une arme à feu avant de se
suicider. Ces assassinats ont suscité une satisfaction parmi des milliers de
familles des victimes de leurs décisions judiciaires, ainsi que de leurs
proches, qui perçoivent cet événement comme une forme de justice pour les
atrocités commises.
Ali Razini et Mohammad Moghisseh étaient notoirement connus
pour leur implication directe dans les exécutions de masse, la torture et les
procès injustes. Leur mort marque la fin de décennies de crimes restés impunis,
mais elle souligne également l’absence de justice formelle pour leurs victimes.
Ali Razini : l’architecte du massacre de 1988
Ali Razini a occupé plusieurs postes clés dans le système
judiciaire iranien, notamment celui de juge au tribunal révolutionnaire de
Téhéran en 1980-1981. Il a ensuite dirigé l’organisation judiciaire des forces
armées de 1987 à 1993. Pendant cette période, il a ordonné des condamnations à
la lapidation et supervisé des tribunaux militaires dans les zones
frontalières.
Razini était également membre des tristement célèbres «
comités de la mort » qui, en 1988, ont ordonné l’exécution sommaire de milliers
de prisonniers politiques, en majorité des membres de l’Organisation des
Moudjahidine du Peuple (OMPI). Dans une interview, il a reconnu avoir supervisé
les tribunaux militaires qui jugeaient les prisonniers capturés lors de
l’opération Forough Javidan, en les condamnant à mort ou à des peines sévères.
Il se vantait également de ses actions passées, affirmant avoir exécuté des étudiants à Bojnourd pour « briser la dissidence » dans la région. À Téhéran, il a succédé à Assadollah Lajevardi, surnommé le « boucher de la prison d’Evin », et a poursuivi la même politique de répression brutale.
Mohammad Moghisseh : le juge bourreau
Mohammad Moghisseh, connu sous le pseudonyme de « Naserian
», était directeur de la prison de Gohardasht lors du massacre de 1988. À ce
poste, il a joué un rôle central dans la torture et l’exécution des prisonniers
politiques.
En tant que membre des comités de la mort, Moghisseh était
responsable de la préparation des dossiers des détenus, sur lesquels se
basaient les condamnations à mort. Il supervisait personnellement les
pendaisons et, selon des témoins, transportait même des prisonniers paralysés
vers l’échafaud.
Avant 1988, Moghisseh avait été procureur adjoint à la
prison d’Evin, où il participait activement à la répression des opposants
politiques. Après le massacre de 1988, il a continué à sévir en tant que juge,
prononçant des peines de mort et des condamnations arbitraires.
En 2019, il a été sanctionné par les États-Unis pour avoir
supervisé de nombreux procès inéquitables, notamment ceux basés sur des aveux
obtenus sous la torture. Parmi ses victimes figurent des militants politiques,
des religieux dissidents et des minorités religieuses.
Un bilan lourd et une justice attendue
Ali Razini et Mohammad Moghisseh ont incarné l’appareil
répressif de la République islamique depuis sa création en 1979. Leur mort met
en lumière l’absence de responsabilité judiciaire pour les crimes commis sous
leur autorité.
Nous, les familles des victimes, ainsi que les organisations
internationales de défense des droits humains, continuons de réclamer des
enquêtes indépendantes et des procès équitables pour tous les responsables des
atrocités en Iran. Ces assassinats, bien que spectaculaires, ne remplacent pas
la nécessité d’une justice respectant les normes internationales.