omagazine.fr mars 25, 2022
Article rédigé par : Amélia Porret
Il y a un peu plus de 40 ans, Massoumeh Raouf
et des millions de jeunes iraniens rêvaient d’un Iran libre et démocratique
après le renversement de Mahammad Reza Chah Pahlavi. La révolution de 1979
laisse place à une nouvelle ère faisant table rase de l’ancien modèle. Avec
l’arrivée en février 1979 de l’Ayatollah Khomeini, leurs espoirs sont
rapidement étouffés par une répression sanglante, explique Massoumeh Raouf
dans Évasion de la prison d’Iran.
À cette époque, les Moudjahidines du peuple
d’Iran, “figures héroïques de la
Révolution iranienne”, représentaient une véritable “menace pour le régime des mollahs”.
L’OMPI (Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran) menée par Massoud
Radjavi s’oppose immédiatement aux intégristes religieux. “J’étais devant un choix très difficile.
Est-ce que je continue ma vie tranquillement en choisissant de partir ou je
décide de résister.”
Dans l’enfer des prisons du régime
Consciente
des risques, Massoumeh Raouf décide de s’engager dans la lutte. Elle suit des
cours de formation politique, notamment en philosophie dispensés par Massoud
Radjavi. Son petit frère, Ahmad, est sympathisant de l’OMPI. Malgré son jeune
âge, il connaît déjà la torture et les interrogatoires musclés du régime. De
son côté, Massoumeh Raouf participe à certains rassemblements de contestations
et rapporte les exactions qu’elle voit en tant que journaliste pour un journal
de l’OMPI.
Le 20 juin
1981, la répression s’accentue lors d’une manifestation pacifiste à Téhéran et
d’autres grandes villes. Khomeini donne l’ordre à sa milice de tirer sur la
foule. Pour poursuivre ses activités militantes, la jeune femme est contrainte
de vivre dans la clandestinité. Mais en septembre 1981, la dictature la
rattrape.
·
“J’ai été
arrêtée par le régime des mollahs en 1981 et j’ai été condamnée à 20 ans de
prison par un juge de la charia, lors d’un procès qui a duré 10 minutes. Ils
m’ont arrêté sur le soupçon que j’étais sympathisante des Moudjahidines du
peuple d’Iran. Mais ils n’avaient aucune preuve et je n’avais aucun droit à la
défense.”
Massoumeh Raouf pour Ô Magazine
Évasion de la prison d’Iran retrace le récit touchant d’un combat pour la
liberté, à la fois individuel et collectif. “Quand on est arrêté par un régime sanguinaire comme celui-ci, en
tant que combattant la seule arme que l’on a c’est résister devant ces
barbaries, afin de préserver son humanité.” Après 8 mois de
détention dans des conditions inhumaines, Massoumeh Raouf parvient à déjouer la
surveillance des Gardiens de la Révolution. À l’aide de ses compagnons de
cellule, elle s’enfuit dans la nuit avec une autre camarade. Grâce à la
mobilisation du réseau des Moudjahidines, elle réussi à quitter le pays pour
trouver refuge en France.
Combattre par l’écriture
Également auteure de la bande dessinée Un petit prince au Pays des mollahs,
hommage à son petit frère victime du massacre de 1988, Massoumeh Raouf continue
son combat loin de sa terre natale. Exilée
en France depuis son évasion en 1985, son travail d’écriture et de recherche
relate de la violence méthodiquement appliquée par ses bourreaux. C’est aussi
l’histoire croisée de milliers de visages pour ne jamais oublier. « Je veux attirer l’attention sur ce qui
se passe en Iran. Quand les Français entendent le nom de mon pays dans
l’actualité, ils ne savent pas vraiment ce qu’il s’y passe. C’est important
pour moi de témoigner et de présenter les choses que j’ai vécues.”
Engagée dans la « Campagne du mouvement
pour la justice en faveur des victimes du massacre de 1988 », l’écrivaine
se bat aujourd’hui pour faire traduire en justice les auteurs de ce « crime contre l’humanité resté
impuni ». Car ce n’est pas seulement une affaire du
passé. “Le régime des mollahs profite
de cette impunité pour rester au pouvoir et répéter les mêmes crimes.”
En août 2021, pour la première fois un procès historique à Stockholm d’une durée de 9 mois ouvrait la voie. Hamid Noury,
ex-procureur iranien est ainsi accusé d’avoir été l’un des tortionnaires du
“comité de la mort”. En janvier 2022, l’ONU était appelée à enquêter sur ce “nettoyage
des prisons d’Iran” estimé à 30 000 victimes selon différentes sources. De
plus, “des centaines de signataires
ont exhorté dans une lettre ouverte le conseil des droits de l’Homme des
Nations Unies à lancer une enquête internationale sur le massacre de milliers
de prisonniers politiques en 1988”, rapporte Le Figaro.
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