MIS À JOUR: 27/SEPT./23
L'histoire de
Massoumeh Raouf est celle de milliers d'Iraniens dont la vie a été interrompue
depuis 1979 par le régime impitoyable de Téhéran. Comme beaucoup
d'autres critiques du gouvernement mis en place après le triomphe de la
révolution islamique, Massoumeh Raouf a été arrêtée et condamnée à la prison,
d'où elle a réussi à s'échapper à l'âge de 20 ans, après avoir essayé à deux
reprises.
Depuis son évasion, Raouf vit en exil,
où elle est devenue écrivain et journaliste. Elle est également active dans la campagne pour la justice pour le
massacre des prisonniers politiques de 1988.
Aujourd'hui, à
l'occasion de l'anniversaire de la mort de Mahsa Amini et du début des
manifestations de masse contre le régime, Raouf présente sa nouvelle œuvre sous
forme de bande dessinée, "Un petit prince au pays des mollahs",
dans laquelle elle raconte l'histoire de son frère Ahmad, assassiné par les
autorités en 1988.
À l'occasion de la
publication de son nouveau livre, Raouf a accordé une interview au média
français Les Cent Plumes, dans laquelle il parle de l'ouvrage, de
sa vie et des manifestations actuelles contre Téhéran
"Ahmad
était un garçon très curieux, blond aux yeux bleus. Il me posait tout le temps
des questions. Après avoir lu une version persane du Petit Prince de
Saint-Exupéry, j'ai commencé à l'appeler "mon petit prince". Ce
surnom lui est resté. D'abord à la maison, entre nous, puis il l'a utilisé dans
la résistance comme nom de code radio", commence
Raouf.
L'écrivaine
définit son frère comme "un arbre de la résistance iranienne", notant
qu'il fait partie des dizaines de milliers de personnes qui ont perdu la vie
pour s'être opposées au nouveau régime. "Comme ses compagnons de
résistance, Ahmad a défendu ses convictions idéologiques et politiques",
souligne Raouf. Ahmad aurait pu le regretter, mais il a décidé de résister,
malgré les conséquences. "Toute cette génération qui a résisté à la
dictature a inspiré les jeunes d'aujourd'hui. Nous avons refusé de nous
incliner devant la dictature", souligne Raouf.
Outre son frère, Raouf parle de sa mère, Fatimeh Seighali, qu'il décrit comme "très forte et très protectrice". Sa mère faisait également partie de la résistance et a soutenu ses enfants malgré les pressions. En ce sens, l'écrivaine iranienne rappelle que le rôle des mères était essentiel, qu'il s'agisse de faciliter la communication entre les résistants ou de leur apporter un soutien moral.
Raouf a grandi
dans un foyer où les femmes étaient respectées. "Leur rôle au sein des
familles est essentiel. Ce sont elles qui transmettent les valeurs",
dit-elle. Dans le cas de Raouf, les valeurs qu'elle a reçues sont avant
tout l'égalité et la justice.
Ce sont ces
idées inculquées par sa famille qui ont conduit Raouf à prendre part à la
résistance contre les autorités islamiques, ce qui lui a coûté plusieurs années
de prison. Cependant, après deux tentatives d'évasion, il a réussi à s'échapper
à l'âge de 20 ans. Cette histoire est racontée dans un livre intitulé " Evasion
de prison en Iran ".
De ces dures
années de prison, Raouf se souvient des tortures physiques et
psychologiques, mais aussi de l'unité de la résistance à l'intérieur de la
prison. En effet, elle a réussi à s'échapper grâce à plusieurs
prisonniers qui ont distrait les gardes, tandis que d'autres l'ont aidée à
escalader les murs.
"Quand je
repense à ce moment, c'est incroyable ! J'entends encore les battements de mon
cœur dans mon oreille lorsque j'ai franchi la porte de la prison. J'avais peur
que le gardien les entende aussi", se souvient-elle.
"Le
régime a échoué dans tous les domaines"
À l'heure
actuelle, il n'est pas possible de parler de la situation en Iran sans
évoquer la révolution menée par les femmes qui se
déroule dans différentes régions du pays, ainsi qu'à l'étranger. Dans son
entretien avec les médias français, Raouf encourage les gens à continuer à
"résister à ce régime barbare et rétrograde".
L'écrivaine
souligne que ce gouvernement est devenu illégitime et que beaucoup l'ont même
abandonné. "Cette dictature religieuse définie par le Guide suprême est
pire qu'une dictature classique, car elle va au-delà de la politique. En Iran,
elle s'immisce même dans la sphère privée des gens, dans tous les aspects de
leur vie, même dans la mort", explique-t-elle. Sur ce point, elle rappelle
que les corps des personnes tuées ne sont pas rendus à leurs familles
car le régime ne veut pas de commémorations, "il veut effacer cette partie
de son histoire". "La même chose se passe en
Afghanistan avec les talibans", ajoute-t-elle.
Raouf qualifie la
situation actuelle du pays d'"explosive", soulignant que le régime
n'a pas réussi à vaincre la résistance, ce qui a affaibli son image tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur. "L'année dernière, le monde entier a vu que
le régime des mollahs n'avait plus aucun fondement. Il a échoué dans tous les
domaines : socialement, économiquement, idéologiquement". L'écrivaine
assure également que "ce sont les nouvelles générations qui
y mettront fin".
Raouf s'inspire de
ce que pensent de nombreux Iraniens vivant dans le pays. "Beaucoup
disent que le Guide suprême ne durera pas longtemps. Le régime actuel ne peut
pas éteindre cette révolution qui a pris racine il y a quarante ans",
conclut-elle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire