[par Massoumeh Raouf, publié sur oeil-maisondesjournalistes.fr le 31/07/2025]
Les autorités iraniennes ont procédé à l’exécution de Behrouz Ehsani, 70 ans, et Mehdi Hassani, 48 ans, dans la prison de haute sécurité de Ghezel Hesar, près de Karaj. D’après le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies, 612 personnes ont été exécutées depuis le début de l’année 2025 par le régime.
Ces deux prisonniers politiques, accusés d’appartenir à l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), avaient été condamnés à mort à l’issue de procès expéditifs, entachés d’irrégularités flagrantes et d’allégations de torture systématique selon Amnesty internationale. Mais au-delà de l’horreur individuelle, la date même de l’exécution résonne comme un signal politique : le 27 juillet est l’anniversaire du début du massacre de 1988, au cours duquel plus de 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés en quelques semaines.
Un schéma répressif documenté : torture, isolement, aveux forcés
Behrouz Ehsani, ancien prisonnier politique des années 1980, avait été arrêté à Téhéran en décembre 2022. Détenu d’abord à l’isolement dans la section 240 de la prison d’Evin, puis transféré à la section 209, sous contrôle du ministère du Renseignement, il y a subi des tortures physiques et psychologiques sévères.
Mehdi Hassani, arrêté en septembre 2022 à Zandjan, a passé plus de six mois en isolement. Selon Amnesty International, il a été violemment battu et menacé de violences sexuelles contre ses enfants pour extorquer des aveux. Dans une lettre écrite, il a dénoncé des « aveux obtenus sous la contrainte ».
Procès expéditif, peine capitale, aucune défense
Le 10 août 2024, les deux hommes ont été jugés par la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran. L’audience a duré à peine cinq minutes. Pendant près de deux ans, aucun des accusés n’avait eu accès à un avocat. Ils n’ont pas été autorisés à s’exprimer à l’audience.
Le 15 septembre 2024, ils ont été condamnés à mort pour « baghi » (rébellion armée contre l’État), « moharebeh » (inimitié envers Dieu) et « efsad-e fel-arz » (corruption sur terre), en raison de leur appartenance présumée à l’OMPI. La Cour suprême a rejeté leur appel.
Le témoignage de Louis Arnaud
Avant sa libération, le ressortissant français Louis Arnaud, emprisonné en Iran pendant plus d’un an, avait partagé sa cellule avec Behrouz Ehsani. Dans un discours prononcé place du Panthéon à Paris, il déclare : « Je n’ai jamais rencontré un homme aussi digne. Behrouz disait souvent : « Je ne marchande pas ma vie, et je suis prêt à l’offrir pour la liberté du peuple d’Iran. » Entendons cette leçon de courage et demandons ensemble l’annulation de ce verdict criminel », a-t-il poursuivi.
Malgré les pressions, les deux prisonniers ont refusé de signer une lettre de repentir, condition imposée par les autorités pour une éventuelle commutation de peine. Depuis février 2024, ils participaient à une campagne hebdomadaire de grève de la faim menée chaque mardi dans les prisons iraniennes, sous le mot d’ordre : Non aux exécutions. Mehdi Hassani, déclarait en octobre 2024 : « Je suis fier d’être un sympathisant de l’OMPI. Je ne reculerai pas d’un millimètre. »
Le spectre du massacre de 1988
Selon Amnesty International, les exécutions en Iran ont explosé : 853 personnes exécutées en 2023, plus de 1000 en 2024, et déjà plus de 750 en 2025, à la date du 27 juillet. Les principales victimes : des prisonniers politiques, des manifestants pacifiques, des membres de minorités kurdes, baloutches ou baha’ies, et des sympathisants de groupes d’opposition.
Le 23 juillet 2025, quatre jours avant les exécutions, 314 personnalités internationales — parmi lesquelles des Prix Nobel, des ex-diplomates onusiens, des juristes — ont adressé un appel urgent aux Nations unies pour empêcher une nouvelle vague d’exécutions. Cet appel faisait suite à un éditorial de l’agence Fars, liée aux Gardiens de la Révolution, qui qualifiait le massacre de 1988 de « réussite historique » et suggérait de le répéter.
Stephen Rapp, ancien procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda, écrivait dans le Washington Post : « Le régime iranien ravive ses tactiques les plus sombres — et teste la volonté du monde d’agir.«
Silence international
Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), a qualifié les exécutions d’« acte criminel », orchestré par Ali Khamenei, et a exhorté les Nations unies et les gouvernements démocratiques à « adopter des mesures concrètes et immédiates ». Elle accuse le silence international de « normaliser l’horreur » et d’encourager la poursuite des crimes.
Actuellement, 14 autres prisonniers politiques affiliés à l’OMPI sont menacés d’exécution. Behrouz Ehsani, dans un dernier message, lançait cet appel : « Ceux qui luttent pour la liberté et la démocratie ne méritent pas d’être exécutés. Le silence de la communauté internationale donne le feu vert à ce régime pour continuer. »
L’exécution de Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani n’est pas un simple fait divers judiciaire. Elle est un signal d’alerte, un test pour la conscience mondiale. En 2025, le silence n’est plus une option. Il est temps de placer les droits humains au centre des relations internationales avec Téhéran.
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