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jeudi 24 juillet 2025

Iran : Saeed Masouri, prisonnier politique, alerte le monde sur un « nouveau massacre » en prison


 Le 16 juillet 2025, les forces de sécurité iraniennes ont mené une opération choquante dans la prison de Ghezel Hesar, visant à enlever le prisonnier politique Saeed Masouri. Une tentative violente, stoppée in extremis par la résistance de ses codétenus. Ce n’est pas un incident isolé, mais l’expression d’un régime en crise.

[par Massoumeh Raouf, publié sur oeil-maisondesjournalistes.fr le 23/07/2025]


Une vie derrière les barreaux, un quart de siècle de résistance

Saeed Masouri est détenu depuis décembre 2000. Cela fait plus de 25 ans qu’il subit l’enfermement, sans jamais avoir bénéficié d’une seule journée de permission. Son seul « crime » : être accusé d’appartenance à l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI).

Durant sa détention, Saeed a connu les pires traitements : quatorze mois d’isolement total dans les sinistres sections 209 d’Evin et des prisons d’Ahvaz, interrogatoires incessants, tortures physiques et psychologiques, refus de soins médicaux, interdiction de contact téléphonique régulier avec sa famille et privation d’éducation. Condamné initialement à mort, sa peine a été commuée à la prison à vie. Pourtant, il est resté debout. Grèves de la faim, lettres de protestation, refus de capituler : Masouri est devenu une figure emblématique de la résistance carcérale.

Un complot de « disparition forcée » sous couvert de chaos

La tentative d’enlèvement de Masouri s’inscrit dans une stratégie bien rodée du régime : la disparition forcée d’opposants politiques à l’abri des regards. Ce mois-ci, Saeed a été menacé de mort à deux reprises par le ministère du Renseignement. Sa famille a elle aussi reçu des appels anonymes et menaçants.

Il s’agit d’un plan concerté visant à éliminer physiquement une figure dérangeante. Et cette opération s’inscrit dans un contexte plus large : provoquer le chaos pour détourner l’attention des exécutions massives et silencieuses en cours.

Exécutions imminentes et rideau de fumée : un scénario répété

Dans la même prison de Ghezel Hesar, trois autres prisonniers politiques – Behrouz Ehsani, Mehdi Hassani et Abolhassan Montazer – sont menacés d’exécution imminente. En créant un climat d’urgence et de confusion, le régime tente de faire passer ces exécutions dans l’ombre, loin des caméras et des regards extérieurs.

Dans une lettre envoyée depuis la prison, Saeed Masouri compare la situation actuelle au massacre de 1988, où des milliers de prisonniers politiques furent exécutés. Il affirme que ce qui se prépare n’est pas un signe de force, mais la preuve d’un effondrement structurel du pouvoir. Il prévient que l’objectif du régime est « la répression, la répression et encore la répression » et une escalade des « meurtres et des exécutions ». Masouri compare directement le climat actuel, où les forces de sécurité disposent du pouvoir de « tirer à volonté », au tristement célèbre « Comité de la mort » qui a envoyé des milliers de personnes à la mort en 1988.

« Les mardis non aux exécutions » : Une mobilisation historique depuis les prisons

Depuis janvier 2024, un mouvement inédit s’est structuré dans les prisons iraniennes : « Les Mardis Non aux Exécutions ». Chaque mardi, des dizaines de prisonniers politiques dans 48 établissements pénitentiaires entament des grèves de la faim pour protester contre la montée des exécutions.

Le 15 juillet 2025 marquait la 77e semaine consécutive de cette mobilisation. De Ghezel Hesar à Evin, de Mashhad à Sanandaj, les voix s’élèvent derrière les murs. À l’extérieur, des citoyens ont manifesté dans les rues de Téhéran, Ispahan, Karaj ou Yazd, brandissant des slogans tels que « Les prisonniers politiques doivent être libérés ! » ou « Si vous exécutez, nous nous révolterons ! ». Les prisonniers rappellent que les exécutions officiellement annoncées ne sont qu’une fraction de la réalité. Pour eux, la peine capitale est utilisée comme un levier politique afin d’intimider une population au bord de l’explosion.

Comme l’ont souligné les « Voix indépendantes pour la liberté des militants du Gilan », s’opposer à cet exil n’est pas seulement nécessaire, c’est vital pour la survie du mouvement. L’exil de Masouri n’est pas un simple transfert de prisonnier ; c’est un coup direct porté à cette voix, à ce mouvement et à toute lueur d’espoir qui a émergé des ténèbres. Son éloignement signifierait couper le dernier lien qu’il a avec sa mère âgée, le priver de toute possibilité minimale de visite et de soutien, et infliger une torture supplémentaire à lui et à sa famille.

« Aucun tribunal, aucun juge n’a ordonné son exil. C’est une punition double et inhumaine. »

La famille de Masouri, dans une lettre adressée au Rapporteur spécial des Nations Unies

Le moment est venu de faire entendre notre voix de protestation : l’exil de Saeed Masouri n’est pas seulement une vengeance du gouvernement contre un prisonnier ; c’est une tentative d’étouffer l’un des mouvements civils les plus humains contre la peine de mort.

Nouvelles condamnations à mort : Un signal alarmant

La semaine dernière à Ahvaz, trois prisonniers politiques – Farshad Etemadifar, Masoud Jamei et Alireza Mardasi – ont été condamnés à mort. Trois autres détenus arabes – Ali Mojadam, Moin Khanfari et Mohammadreza Moghaddam – ont été transférés à l’isolement, signe avant-coureur d’exécution. Pour les ONG, il ne fait aucun doute que le régime intensifie sa répression pour contenir la contestation intérieure et imposer la peur comme unique mode de gouvernance.

Des prisons délibérément hostiles à la vie humaine

Après le bombardement de la prison d’Evin le 23 juin, de nombreux prisonniers politiques ont été violemment transférés vers des établissements comme Fashafuyeh et Qarchak. Ces prisons, décrites par plusieurs survivants comme des « zones de mort lente », sont volontairement rendues invivables.

Ventilation défectueuse en pleine canicule, rationnement de l’eau potable, alimentation insuffisante, absence totale de soins médicaux et suppression des visites familiales : tout est mis en œuvre pour briser physiquement et moralement les détenus. Le but n’est plus seulement la punition, mais l’épuisement progressif et planifié.

Un cri de résistance : le silence est complicité

Saeed Masouri, dans un message récent, écrit : « Que le monde entende cette fois qu’un crime est en cours et, bien sûr, qu’il y ait une résistance contre lui ! » Ce cri vient de l’intérieur, d’un homme qui a tout vu, tout subi, et qui refuse le silence complice.

« En tant que prisonnier politique soutenant les Moudjahidine du Peuple d’Iran, particulièrement en ces jours, je tiens à affirmer clairement que jamais nous ne reculerons d’un seul pas sur le chemin de la liberté et de la dignité, à cause de ces prisons, de ces exils et de ces exécutions. »

Saeed Masouri

Fort de mon expérience personnelle en tant qu’ancien prisonnier politique et membre d’une famille victime du massacre de 1988, je sais que le silence de la communauté internationale face à ces crimes constitue une forme de complicité. Les mots ne suffisent plus. Les institutions internationales, les États démocratiques et les défenseurs des droits humains doivent passer à l’action.

La vie de Saeed Masouri est en danger. Celles de dizaines d’autres aussi. Le régime iranien tente de prolonger son règne à coups d’exécutions, de disparitions et de répression brutale. Nous ne devons pas laisser faire.

Comme l’ont affirmé les prisonniers dans leur déclaration commune : « Notre force est dans notre unité. Nous renverserons la machine de la répression et de l’exécution. » Le sang de ceux qui résistent fera trembler les fondations de ce régime.

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