jeudi 9 mai 2024

Réfugiée iranienne, Massoumeh Raouf témoigne des atrocités du régime des mollahs

 actu.fr Par Arielle Bossuyt  Publié le 8 Mai 24

Dimanche 12 mai 2024, le Salon du livre de Vernon (Eure) accueillera, Massoumeh Raouf, journaliste iranienne réfugiée en France depuis 1985. Elle y présentera deux ouvrages.


Massoumeh Raouf, autrice iranienne réfugiée politique en France, est invitée au Salon du livre du château de Bizy, à Vernon (Eure) pour présenter ses deux ouvrages qui rendent hommage aux victimes du régime des mollahs en Iran. 

 



Massoumeh Raouf sera de passage à Vernon (Eure) dimanche 12 mai 2024, à l’occasion du Salon du livre organisé au château de Bizy. Elle présentera deux ouvrages rendant hommage aux victimes du régime des mollahs. Parmi elles, son frère cadet, Ahmad. 

À quelques jours de l’événement, elle a accordé une interview au Démocrate vernonnais.

Vous serez présente au Salon du livre de Vernon pour présenter votre ouvrage, Un petit prince au pays des mollahs, une bande dessinée inspirée de l’histoire de votre propre frère. Que lui est-il arrivé ?

L’histoire de mon frère est celle de milliers d’autres personnes opposées au régime. Plus qu’une bande dessinée, c’est un témoignage historique d’un génocide resté impuni et aussi un appel à la justice.

En 1988, le guide suprême, Khomeini (qui a joué un rôle dans la révolution islamique de 1979, Ndlr) a lancé une fatwa (une condamnation à l’encontre de quelqu’un, Ndlr) sur les prisonniers politiques.

Cette fatwa a été synonyme de mort puisqu’en quelques mois, plus de 30 000 personnes emprisonnées par le régime ont été massacrées. Parmi elles, mon frère, Ahmad, qui n’avait que 22 ans.

« Jetés dans des fosses communes »

Les corps des victimes ont été jetés dans des fosses communes et les familles sont longtemps restées dans l’ignorance. J’ai travaillé pendant des années pour comprendre ce qu’il s’était passé et je me suis battue, comme d’autres, pour que ce massacre soit reconnu comme crime contre l’humanité.

En 2018, Amnesty international a publié un rapport à ce sujet et l’a qualifié de « crime contre l’humanité resté impuni ». Ce combat pour la justice se poursuit aujourd’hui. 

Comment votre frère s’est-il retrouvé emprisonné ?

Après la révolution, mon frère, ma mère et moi étions devenus sympathisants du mouvement des Moudjahidines du peuple d’Iran, qui s’était opposé au régime du chah avant de dénoncer les dérives du régime de Khomeini. Au lycée, mon frère était déjà très actif.

De mon côté, j’ai travaillé pour le journal du mouvement des Moudjahidines. En 1981, Khomeini a donné l’ordre de tirer sur les manifestants à Téhéran et dans différentes grandes villes du pays sous prétexte qu’il fallait maintenir l’ordre puisque la guerre grondait entre l’Iran et l’Irak.

Cette année-là, en septembre, je me suis fait arrêter par le régime. Huit mois plus tard, j’ai réussi à m’évader et à fuir le pays mais les gardiens du régime se sont vengés sur mes compagnons de cellule, dont beaucoup se sont fait exécuter en 1988, mais aussi sur ma famille.

Ils ont arrêté ma mère, qui, atteinte d’un cancer, est décédée après sa libération, faute de soin. Ils ont aussi emprisonné mon frère, Ahmad, le considérant comme complice de mon évasion. Les gardiens ont torturé mon frère et en 1988, il s’est également fait tuer en réponse à la fatwa. 

10 minutes de procès, 20 ans de prison

Dans votre second ouvrage, Évasion de la prison d’Iran, vous revenez justement sur cette partie de votre histoire. Comment avez-vous réussi à vous évader des geôles iraniennes ?

C’était il y a 42 ans, le 4 mai 1982. À cette époque, j’avais 20 ans et j’ai été arrêtée par la police parce qu’on me soupçonnait d’être sympathisante du mouvement des Moudjahidines du peuple d’Iran. On se faisait arrêter sans preuve, sur un simple soupçon.

En seulement dix minutes, j’ai été condamnée à 20 ans de prison ! Bien évidemment, je n’avais aucun droit à la défense ! Au bout de huit mois, à l’aide d’une codétenue, j’ai donc réussi à m’échapper. Dans le livre, je reviens en détails sur cette évasion. Nous avions tout planifié, repéré la route à prendre.

C’était très périlleux mais nous étions déterminées : c’était une façon de montrer au régime qu’il n’arriverait pas à nous briser. Que notre esprit de résistance resterait intact.

Honnêtement, je ne pensais qu’on s’en sortirait vivantes mais nous avons eu beaucoup de chance. C’est un vrai miracle que nous ayons réussi à nous évader de cette zone militaire. 

Vous avez été témoin du basculement de la société iranienne dans cette dictature islamiste. Dans quelle ambiance se trouvait le pays après l’arrivée de Khomeini ?

Le chah d’Iran maintenait la population dans une dictature « classique ». La liberté d’expression n’avait pas sa place et nous avons grandi dans cet environnement.

À la chute du chah, Khomeini a instauré un régime encore plus brutal qui utilise l’Islam pour imposer sa vision rétrograde et justifier l’oppression des femmes qui perdure encore aujourd’hui.

L’arrivée de Khomeini au pouvoir s’est faite dans le sang, et les Moudjahidines ont particulièrement subi cette oppression car ils proposaient une politique plus progressiste et s’opposaient notamment à la loi du talion et au port obligatoire du hijab. 

Des journalistes portés disparus

Quel est le quotidien d’un journaliste au pays des mollahs ?

De vrais journalistes qui ne sont pas au service de la propagande gouvernementale risquent leur vie pour porter la voix du peuple, et beaucoup ont été arrêtés ou sont simplement portés disparus.

Le 15 avril, Dina Ghalibaf, journaliste et étudiante, a témoigné sur les réseaux sociaux de son arrestation à Téhéran pour avoir prétendument porté un hijab inapproprié.

Elle a décrit avoir été emmenée dans une pièce où elle a subi des décharges électriques et des agressions sexuelles. Cette dénonciation publique a conduit à son arrestation le lendemain par les forces de sécurité.

Morte après sa garde à vue

Elle a été transférée dans le quartier des femmes de la prison d’Evin le 21 avril 2024. Un autre exemple est celui de Niloofar Hamedi et Elahe Mohammadi.

Ces deux journalistes ont été emprisonnées pour un an et cinq mois après avoir rapporté la mort de Mahsa Amini, arrêté par la police des mœurs le 16 septembre 2022 pour avoir laissé dépasser une mèche de cheveux de son voile islamique (sa mort suspecte après sa garde a vue a déclenché une vague de révolte dans toute l’Iran, Ndlr). Même les journalistes des médias officiels ne sont pas à l’abri d’une arrestation ou risquent de se faire torturer s’ils révèlent une information qui déplaît au régime. 

Cet esprit de résistance reste enraciné dans le cœur des Iraniens.

Massoumeh Raouf

Justement, quel regard portez-vous sur ses récents événements ?

Cet esprit de résistance reste enraciné dans le cœur des Iraniens. Génération après génération, la révolte enfle notamment chez les femmes car tant que les mollahs sont au pouvoir, elles ne seront jamais libres. Aujourd’hui, la majorité de la population veut en finir avec cette dictature islamiste.

Je suis fière de voir tous nos slogans d’autrefois et nos idéaux réapparaître sur la scène politique mais à mesure que les protestations s’intensifient, le régime répond par plus de brutalité.

Je constate qu’il est affaibli et qu’il n’a plus de soutien à l’étranger. Ce sont les relations diplomatiques qui ont donné de la force à ce régime pendant toutes ses années.

Il ne faut pas plier au chantage du régime iranien car il est un danger pour tout le monde, au Liban, au Yémen, en Afghanistan… 

La libération du peuple iranien ne se joue pas seulement en interne.

Les pays occidentaux ont aussi un rôle à jouer. Nous réclamons depuis des années que le Corps des gardiens de la révolution islamique iranienne soit inscrit sur la liste des organisations terroristes.

Le 25 avril dernier, le Parlement européen a adopté une résolution allant dans ce sens.

Le Sénat américain a également approuvé un programme comprenant des sanctions strictes ciblant les activités terroristes du régime.

Les sanctions seront prises contre l’industrie pétrolière notamment mais aussi sur les transactions financières. 

Pour vous, le combat passe par l’écriture.

Oui, j’écris pour briser les murs du silence, pour la quête de vérité et de justice, pour façonner demain. Pour moi, écrire est une forme de résistance et je me dois de transmettre cet esprit de résistance aux autres.

Cela me permet aussi de maintenir la flamme. Cela fait partie de ma lutte et j’espère, par ce biais, attirer l’attention du public sur la terrible situation de mon pays.

Dimanche 12 mai, à partir de 10 heures, le Salon du livre de Vernon accueillera une soixantaine d’auteurs au château de Bizy. Massoumeh Raouf présentera ses deux ouvrages : Un petit prince au pays des mollahs publié en 2018 et Évasion de la prison d’Iran, publié en 2022.

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