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mardi 8 juillet 2025

L’Iran au bord du gouffre : la guerre oubliée d’un peuple contre la tyrannie


 Le souffle d’une guerre régionale entre l’Iran et Israël, qui a tenu le Moyen-Orient en haleine pendant douze jours, s’est pour l’instant estompé. Mais derrière l’apaisement apparent, une autre guerre se poursuit, sourde, tenace, bien plus ancienne : celle du peuple iranien contre quarante-cinq ans de dictature théocratique. Une guerre sans fin, ignorée des radars diplomatiques, menée non avec des chars mais par la torture, la censure, les pendaisons, les prisons

[Par Massoumeh Raouf, sur   oeil-maisondesjournalistes.fr  publié le 08/07/2025]

À l’intérieur de l’Iran, cette période de tension régionale n’a fait qu’aggraver la répression. Le régime a intensifié les exécutions et les arrestations, profitant du brouillard médiatique pour raffermir son emprise sur une société déjà à bout. Cette guerre intérieure, silencieuse mais implacable, oppose un pouvoir fondé sur la violence et le dogme à une jeunesse éduquée, connectée, avide de dignité.

À la suite des attaques du 13 juin par Israël contre les installations militaires et nucléaires du régime iranien, le régime a réagi avec une répression massive à l’intérieur de ses frontières. Plus de 500 individus ont été arrêtés pour collaboration avec Israël et espionnage, aux côtés de 300 autres accusés d’activités en ligne considérées comme subversives. Au moins six personnes ont été exécutées en lien avec des liens présumés avec Israël, ce qui suscite de vives inquiétudes quant à une nouvelle vague d’exécutions motivées par des considérations politiques. Cette intensification de la répression a été encore soulignée par l’approbation rapide par le parlement du régime iranien d’un projet de loi visant à augmenter les sanctions pour espionnage et collaboration avec « des gouvernements hostiles ». Le projet de loi — officiellement intitulé « Intensification des sanctions pour ceux qui collaborent avec des gouvernements étrangers hostiles »—a été adopté dans la semaine suivant le déclenchement du conflit avec Israël, signalant la détermination du régime à codifier et accélérer les mesures punitives contre la dissidence.

Un soulèvement long de quarante ans

Depuis le 20 juin 1981 — jour du grand soulèvement réprimé dans le sang — le pays vit en état d’insurrection rampante. Ce conflit ne se mesure pas en kilomètres ou en drones, mais en martyrs anonymes, en cris étouffés derrière les murs des geôles, en mères privées de sépulture pour leurs enfants exécutés. Et pourtant, cette réalité reste marginale dans les analyses géopolitiques occidentales. L’essentiel pour comprendre la République islamique ne réside pas dans les centrifugeuses ou les missiles, mais dans la guerre qu’elle mène contre son propre peuple.

Un régime au bord du gouffre — pas simplement en crise Comme l’a affirmé Maryam Radjavi.

« Le véritable enjeu, ce n’est ni l’arme nucléaire ni un conflit régional. C’est le combat entre une dictature religieuse irréformable et un peuple qui aspire à la liberté. »

Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), au Parlement européen

Face à cette vérité, l’Occident détourne le regard. L’accord de 2015, les négociations à répétition, et l’espoir naïf d’un « modérantisme » iranien n’ont servi qu’à renforcer un régime criminel. Pendant ce temps, les prisons débordent, les femmes sont battues dans les rues, et l’Union européenne refuse encore d’inscrire les Gardiens de la révolution sur sa liste noire.

Une résistance enracinée dans le peuple


Je parle ici comme témoin directe. Ancienne prisonnière politique, sœur d’un exécuté de 1988, je sais de quoi ce régime est capable. Il ne gouverne plus par adhésion, mais par peur. Ses partisans d’hier sont devenus silencieux. Ses slogans résonnent creux. Ce sont les femmes et les jeunes qui tiennent debout l’espoir de demain. Le CNRI recense plus de 3 000 actions de résistance en 2024. À cela s’ajoutent 1 300 exécutions, souvent sans procès. Ce régime ne tue pas par force — mais par panique. Il sent que la société glisse hors de son emprise. Il redoute un soulèvement qui le balaiera. Et ce jour approche.


Ce régime ne tombera ni sous les bombes américaines, ni par des plans d’ingérence extérieure. Il tombera par le peuple iranien lui-même. Mais une question cruciale reste : qui lui succédera ? Les nostalgiques du Shah n’ont ni programme, ni base populaire. À l’inverse, le CNRI propose une alternative : une république laïque, démocratique, égalitaire, non nucléaire. Un plan de transition, en dix points, existe. Un gouvernement provisoire de six mois mènera à des élections libres pour une Assemblée constituante.

Il est temps d’entendre la voix de la résistance


L’Europe a trop longtemps pactisé avec le bourreau, en fermant les yeux sur la victime. Il est temps d’inverser ce déséquilibre. Ce que demande la résistance iranienne, ce n’est pas une intervention militaire, ni de l’argent, ni des faveurs. C’est la reconnaissance politique de son droit à lutter pour la liberté.

Ce que le peuple iranien réclame, c’est la fin de toute dictature. Qu’elle porte une couronne ou un turban. « À bas le tyran, qu’il soit Shah ou Guide suprême » — ce cri a retenti dans tout l’Iran lors du soulèvement de 2022. L’histoire de l’Iran ne s’écrira pas uniquement à Téhéran. Elle s’écrit aussi à Paris, à Berlin, à Bruxelles — dans les choix politiques de nos démocraties. Un jour, vos enfants vous demanderont : « Que faisiez-vous quand le peuple iranien appelait au secours ? »

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