lepetitjournal- publier 22-03-2022
Par Damien Bouhours |
Dans Evasion de la prison d’Iran, Massoumeh Raouf raconte l’incroyable
histoire de son incarcération et de son évasion des geôles du régime des
mollahs. Son récit poignant, qui est également celui de sa famille, mais de
tant d’autres, souligne le génocide des opposants iraniens. L’auteure également
de la BD Un
petit prince au pays des mollahs a accepté de répondre à nos
questions.
·
En réalité, je ne savais pas grand chose sur le sort de
mon frère. La dernière fois que j'ai vu Ahmad, c'était deux jours avant mon
arrestation par le régime des mollahs en 1981
Plus
de 30 ans après les faits, comment avez-vous vécu l’écriture de votre histoire
et de celle de votre famille ?
Pour faire la lumière sur le massacre de
1988 en Iran dont mon frère est une victime, j’ai participé à plusieurs projets
de recherche sur les prisons du régime de Khomeiny. Les livres Massacre
des prisonniers politiques et Des héros
enchaînés sont le résultat de cinq années de travail pendant
lesquelles j’ai réussi à recueillir les témoignages d’anciens compagnons de
cellule de mon frère, et donc des informations sur ses conditions
d’incarcération. En réalité, je ne savais pas grand chose sur le sort de
mon frère. La dernière fois que j'ai vu Ahmad, c'était deux jours avant mon
arrestation par le régime des mollahs en 1981.
En 2017, pour rendre hommage à mon frère,
j’ai publié son histoire en persan. J’ai eu un très bon retour des mes
lecteurs, grandement touchés par sa personnalité et sa résistance. L’une des
mes amies, Summer Harman, scénariste et dessinatrice, m’a proposée de
travailler ensemble sur une bande dessinée en français et anglais. Ce n’était
pas facile. Quand vous écrivez pour un lecteur iranien, il y a une histoire et
une culture communes, mais quand vous écrivez pour un lecteur français ou
occidental, tout est différent, vous devez rapporter tous les événements et
trouver un langage compréhensible. Après tout, le français n'est pas ma langue maternelle.
Alors j'ai dû m'adapter à la culture et au lecteur français.
Nous avons travaillé sur Un petit prince au pays des mollahs pendant
plus d’un an. Sa version française a été publiée aux éditions de la Société des
Écrivains, fin 2018. Il est aussi publié en anglais, allemand, italien,
norvégien et persan. Un petit prince au pays des Mollahs est
disponible dans les librairies sur commande et aussi sur internet. Dans sa
préface, Ingrid Betancourt, note à juste titre que « l’histoire
d’un petit prince au pays des mollahs nous livre sans aucun maquillage le drame
humain de millions d’Iraniens ».
Après publication de mon livre BD, mes
amies et aussi les lecteurs que j’ai rencontrés en différentes occasions lors
de salons du livre, m’ont demandée de raconter ma propre histoire et mes
souvenirs de prison. Alors en premier confinement, je me suis mise à écrire et
à finir mon livre Evasion de la prison d’Iran (éditions
Balland), qui est disponible en librairie en France, Belgique, Suisse et
Canada. Je considère mon nouveau livre comme le deuxième tome de mon livre
BD Un
petit prince au pays des mollahs, même s’il ne s’agit pas
d’une bande dessinée.
·
Toute ma vie s’est trouvée changée du fait de cette
épreuve
Vous
écrivez dans votre livre : « je n’ai passé que quelques mois dans les
cachots des mollahs iraniens. Pourtant il me semble que j’y ai passé presque
toute ma vie ». Pourquoi ?
Toute ma vie s’est trouvée changée du fait
de cette épreuve. J’ai été arrêtée en septembre 1981 et condamnée à 20 ans
de prison en 10 minutes dans un simulacre de procès, sans avocat et sans aucun
droit à la défense. Mais au bout de 8 mois à l’aide de mes compagnons de
cellule, j’ai réussi à m’échapper. Quand les pasdaran (le corps des Gardiens de
la révolution islamique, ndlr) ont compris mon évasion, toutes les filles de la
cellule ont été torturées et transférées dans diverses prisons. Beaucoup
d’entre elles ont été exécutées dans le massacre de 1988, que je leur rends
hommage dans mon livre. Le régime s’est aussi vengé sur ma famille. Ils ont
arrêté ma mère, qui avait un cancer. Faute de soins, elle est décédée peu après
sa libération. Mon frère cadet Ahmad qui avait 16 ans à l’époque et avait été
arrêté avant ma fuite, a été accusé de complicité dans mon évasion, et de
nouveau a été interrogé et torturé. Enfin, il a été exécuté en 1988 avec 30.000
autres prisonniers Moudjahidine du peuple d’Iran sur l’ordre et la fatwa de
Khomeiny.
En 1991, les agents du renseignement du
régime ont apporté quelques vêtements de mon frère et ont dit à mon père qu’ils
l’avaient exécuté dans la prison d’Oroumieh, dans le nord-ouest de l’Iran, mais
ils n’ont pas dit où il était enterré. Encore aujourd’hui, après 33 ans, nous –
les familles des victimes - ne savons pas où Ahmad et tous les autres ont été
enterrés, mais leurs bourreaux sont toujours en place.
·
Les crimes contre l’humanité commis dans le passé ou
actuels en lien avec les massacres perpétrés dans les prisons en 1988 restent
impunis
Vous
vous battez pour que le massacre de 30.000 prisonniers politiques en 1988 soit
reconnu. Pourquoi pensez-vous que ces crimes ne sont toujours pas punis ?
Simplement par ce que c’est la réalité.
J’attire votre attention sur le rapport d’Amnesty
international qui parle de « la crise de
l’impunité en Iran » : « Les autorités ont continué de
commettre des crimes contre l’humanité en dissimulant systématiquement le sort
réservé aux milliers d’opposants politiques victimes de disparitions forcées et
d’exécutions extrajudiciaires secrètes en 1988. Des fosses communes qui
contiendraient les restes de ces personnes ont continué à être détruites
…. »
Aucun responsable public n’a fait l’objet
d’une enquête ou été amené à rendre des comptes pour les crimes d’homicide
illégal, de torture et de disparition forcée ni pour les autres violations
graves des droits humains.
Les crimes contre l’humanité commis dans le
passé ou actuels en lien avec les massacres perpétrés dans les prisons en 1988
restent impunis, et un grand nombre de responsables impliqués dans ces
événements occupent toujours de hautes fonctions dans l’appareil judiciaire ou
au sein du pouvoir exécutif. C'était le cas notamment du responsable du pouvoir
judiciaire et du ministre de la Justice.
·
Des centaines de signataires, dont des prix Nobel, ont
exhorté jeudi 27 janvier dans une lettre ouverte le Conseil des droits de
l'Homme des Nations unies à lancer une enquête internationale sur le massacre
« Les
hautes fonctions dans l’appareil judiciaire » dont
parle Amnesty fait référence à Ebrahime Raïssi. Depuis juin 2021, il est devenu
président du régime des mollahs. Ebrahim Raïssi, est un ultraconservateur
qu’Amnesty International veut juger pour crime contre l’humanité. Raïssi était
membre de la « commission de la mort » et l’un des principaux instigateurs. Ils
ont envoyé à la mort plus de 30.000 prisonniers politiques en 1988 dont mon
frère. Mais ironie de l’histoire, l’arrivée d’Ebrahim Raïssi, a focalisé les
attentions sur ce crime odieux. Et notre combat dans la poursuite des
commanditaires et des exécutants du massacre de 1988 prend désormais une
nouvelle dimension. L’ouverture en Suède du procès d’un tortionnaire iranien
depuis le 10 août 2021 est une bonne nouvelle pour nous, familles des victimes.
Il est accusé d’exécutions de masse en 1988. Ce procès n’est qu’un début.
Des centaines de signataires, dont des prix
Nobel, ont exhorté jeudi 27 janvier dans une lettre ouverte le Conseil des
droits de l'Homme des Nations unies à lancer une enquête internationale sur le
massacre de milliers de prisonniers politiques en Iran en 1988. Vous pouvez les
rejoindre. Cette lettre est coordonnée par l'association «Justice pour de
Victime de Massacre en Iran» (JVMI), dont je suis membre.
C’est désormais à l’ONU de jouer son rôle !
Comme le souligne Amnesty International, « l'ONU et la communauté
internationale ont gravement manqué à leur devoir envers les familles et les
victimes et doit mener une enquête indépendante sur ces crimes contre
l’humanité ».
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Il est temps que la France prenne l’initiative d’une
nouvelle politique
Comment
jugez-vous la relation de la France avec l’Iran ?
Il est temps que la France prenne
l’initiative d’une nouvelle politique. Il faut montrer de la fermeté face au
terrorisme d’Etat des mollahs, leurs prises d’otages et leur chantage. L’époque
de l’illusion d’une réforme de la dictature religieuse est terminée.
La seule politique qui garantit les intérêts à longs termes de la France, est
une politique fondée sur les aspirations du peuple pour instaurer une véritable
démocratie.
Le programme du CNRI pour une
république démocratique, respectueuse de l’égalité, de l’indépendance de
la justice, de l’abolition de la peine de mort et de
la séparation de la religion et de l’Etat va dans ce sens.
·
Le régime iranien considère le peuple comme son ennemi
Comment
voyez-vous l’Iran aujourd’hui ?
La situation de la société iranienne est
explosive. Depuis 2018, il y a eu huit grands soulèvements en Iran. Les
grèves et les manifestations des ouvriers, des enseignants, des infirmières et
des retraités se multiplient dans le pays. La grande majorité des Iraniens
vivent sous le seuil de pauvreté. Les richesses sont monopolisées par le guide
suprême et ses pasdarans.
Pour la nouvelle année iranienne, Raïssi a augmenté le budget des Gardiens de
la révolution de 240 %. Mais les budgets pour l’enseignement ou la santé n’ont
pas bougé, malgré la pandémie. Les institutions militaires et de répression
forment plus de 34 % du budget total. Le régime a investi énormément dans les
programmes d’arme nucléaire, de missiles balistiques, et des guerres dans
la région et commet des détournements de fonds. Tout cela a ruiné
l’économie. Le régime est confronté à une société explosive. C’est
pourquoi, il considère le peuple comme son ennemi. Malgré la répression et
les arrestations, le régime n’arrive pas à arrêter la multiplication et la
montée en puissance des unités de résistance.
Les activités des « unités de
résistance » à l'intérieur de l'Iran deviennent de jour en jour plus
fortes et plus spectaculaires au niveau national. Cela montre que la peur à
changer de camps. Ce régime ne tardera pas à s’effondrer et si le régime des
mollahs tombe, il existe d’ores et déjà une alternative crédible : le Conseil
national de la Résistance iranienne (CNRI) qui est présidé par une femme
formidable - Mme Maryam Radjavi. Elle possède un programme politique déjà
défini qui bénéficie d’une reconnaissance internationale. Le CNRI milite en
faveur d’élections libres permettant au peuple iranien de se choisir des
représentants politiques dignes, à l’opposé de la dictature religieuse que nous
subissons.
سايت خبري لوپتي ژورنال 22 مارس 2022
معصومه رئوف، نويسنده كتاب فرار از زندان
ایران: «وضعیت ایران انفجاری است»
در كتاب فرار از زندان ایران، معصومه
رئوف داستان باورنکردنی زندانی شدن و فرارش از زندان رژیم آخوندی را روایت می کند.
داستان تلخ او که همچنین داستان خانواده او و
همچنين بسیاری دیگر است ، بر نسل کشی مخالفان ایرانی تاکید دارد. نویسنده كتاب
داستان مصور شازده کوچولو در سرزمین آخوندها پذیرفت که به سوالات ما پاسخ دهد.
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https://lepetitjournal.com/expat-mag/culture/massoumeh-raouf-evasion-prison-iran-333604
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