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lundi 16 juin 2025

IRAN. L’enlèvement et l’assassinat d’Elaheh Hosseinzadeh accablent le régime

 


La disparition, puis la mort tragique d’Elaheh Hosseinzadeh, une jeune femme de 24 ans originaire d’Eslamshahr, ont profondément ébranlé l’Iran. Si les autorités ont rapidement attribué son meurtre à un chauffeur de taxi, une conviction s’impose parmi de nombreux Iraniens : il s’agit d’un assassinat politique. Elaheh, diplômée en comptabilité et exerçant comme technicienne en manucure, était bien plus qu’une citoyenne discrète. Influenceuse sur Instagram avec une audience significative, elle avait ouvertement soutenu le mouvement contestataire et des artistes dissidents tels que Toomaj Salehi, s’élevant contre l’oppression et l’exécution de manifestants.

[Par Massoumeh Raouf, publié sur  https://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/ le 11/06/2025]



Le corps d’Elaheh Hossein-Nejad, styliste ongulaire de 24 ans, a été découvert dans la banlieue de Téhéran, onze jours après sa disparition alors qu’elle rentrait du travail le soir du dimanche 25 mai 2025. Connue pour être une jeune femme aimable et appliquée, Elaheh travaillait dans un salon de beauté du quartier huppé de Saadat Abad. Après avoir appelé sa famille depuis la place de prière d’Eslamshahr pour signaler qu’elle était presque rentrée, son téléphone est devenu silencieux. On n’a plus jamais eu de ses nouvelles. Après près de deux semaines de recherches frénétiques menées par sa famille, ses amis et des citoyens inquiets, son corps a été retrouvé dans un endroit isolé près de l’aéroport. Les rapports médico-légaux ont confirmé qu’elle avait été poignardée à plusieurs reprises à la poitrine. La police a ensuite annoncé l’arrestation d’un suspect qui se serait fait passer pour un chauffeur de VTC et aurait assassiné Elaheh lors d’une tentative de vol.

Un Silence éloquent et des priorités dévoyées

L’absence d’images de caméras de surveillance dans une zone aussi fréquentée que la place Azadi, où Elaheh a été vue pour la dernière fois, soulève de sérieuses questions. Alors que le régime iranien utilise une technologie de pointe pour identifier en quelques minutes les femmes qui ne respectent pas le code vestimentaire obligatoire — envoyant des SMS de « dévoilement » presque instantanément — il a fallu onze jours pour retrouver une jeune femme disparue.

Cette disparité choquante révèle les véritables priorités du pouvoir : la surveillance et la répression des femmes plutôt que leur sécurité. Comme l’a souligné un utilisateur de médias sociaux avec sarcasme : « Quand le foulard d’une femme tombe dans un coin de rue, elle reçoit un SMS en cinq minutes ; mais maintenant, une fille est montée dans une voiture sous des caméras et a disparu, et aucune trace n’a été enregistrée ? Pour qui prenez-vous les gens ?« 

Des incohérences et des mensonges

Cette version officielle est de plus en plus perçue avec suspicion. Les premiers rapports de médias liés au pouvoir judiciaire, comme Rokna, citaient une agression sexuelle comme mobile, une affirmation qui a été brusquement retirée des récits ultérieurs. L’identité du meurtrier présumé reste inconnue, et les explications changeantes de l’État n’ont fait qu’accroître la méfiance du public.

Les autorités ont multiplié les déclarations contradictoires concernant les détails de l’affaire. L’identité du tueur a été masquée de manière inhabituelle, l’emplacement de la découverte du corps a été modifié, et l’on a d’abord parlé d’un vol de téléphone avant que le meurtrier présumé ne change de version, évoquant une dispute liée à la « manière de s’habiller » d’Elaheh.

Dans une vidéo choquante de ses aveux, le tueur a qualifié Elaheh de « sans pudeur » et a affirmé qu’elle avait « mérité son sort », tandis que les interrogateurs le validaient avec des phrases comme « tu as bien fait » et « elle l’a mérité ». Cette complaisance des autorités envers un discours misogyne et l’absence d’une enquête transparente jettent une ombre encore plus sombre sur l’implication du régime.

La culture de l’impunité et la violence de genre

L’affaire Elaheh Hosseinzadeh n’est pas un incident isolé. Elle est le symptôme d’une culture de l’impunité et d’une violence de genre systémique encouragées par le régime iranien. En imposant des lois oppressives sur le code vestimentaire et en diabolisant les femmes qui cherchent la liberté, le gouvernement crée un environnement où la violence contre les femmes est normalisée, et même justifiée. L’accent mis par les institutions gouvernementales sur le contrôle de l’apparence et du comportement des femmes, au lieu de s’attaquer à des problèmes cruciaux tels que la violence sexuelle et le manque de sécurité publique, démontre des priorités politiques qui nuisent directement aux femmes et aux autres segments de la société.

La mort d’Elaheh Hosseinzadeh n’est pas simplement un crime isolé. C’est le résultat direct d’un système qui sacrifie la sécurité et la liberté de ses citoyens pour maintenir son emprise sur le pouvoir. Le régime des mollahs porte la responsabilité morale et politique de cette tragédie, et il est temps que la communauté internationale reconnaisse et condamne ces violations flagrantes des droits humains.

Son engagement pour la liberté et la justice, exprimé avec une voix claire et audacieuse, la rendait, pour beaucoup, une cible. Sa mort est un rappel douloureux des conséquences mortelles de l’oppression et de la discrimination. Au-delà de l’acte individuel, la responsabilité accablante de cette tragédie incombe au régime des mollahs, en raison de son système de répression et de sa gestion opaque de l’affaire.

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