Journaliste et condamnée au début des années 80 à
20 ans de prison, Massoumeh Raouf présente deux ouvrages au salon du livre
de Villemoisson-sur-Orge, samedi 16 novembre. L’un revient sur son
évasion, tandis que l’autre rend hommage à son frère, exécuté avec 30 000
autres prisonniers politiques en 1988.
Il y a quelques jours, les images de Ahou
Daryaei, jeune femme iranienne harcelée par les gardiens de la révolution en
raison d’un voile mal ajusté, marchant devant l’université islamique Azad de
Téhéran en sous-vêtements, avant d’être violemment arrêtée par la police des
mœurs, ont rapidement fait le tour du monde. Le dernier exemple en date de la
résistance de femmes en Iran face au régime répressif des Mollah. Une
résistance particulièrement médiatisée depuis l’apparition du mouvement
« Femme, vie, liberté », il y a deux ans, à la suite de la mort de Jina
Mahsa Amini, étudiante iranienne décédée dans des circonstances troubles après
avoir été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés ».
Mais si les réseaux sociaux et la
mondialisation ont mis ces actes de protestation en lumières, les Iraniennes
n’ont pas attendu les années 2020 pour entamer leur lutte pour des droits
plus étendus. Ce qu’illustre parfaitement l’histoire de Massoumeh Raouf, qui
relate dans deux ouvrages qu’elle présentera le samedi 16 novembre au
salon du livre de Villemoisson-sur-Orge, son histoire personnelle et en creux
une histoire de la lutte en Iran.
Emprisonnée à 20 ans
Retour au tout début des années 80. Après
avoir passé son baccalauréat, Massoumeh Raouf ambitionne de poursuivre ses
études à l’université. Mais le nouveau régime de l’ayatollah Khomeini
– qui prend le pouvoir dans le cadre de la révolution iranienne de
1979 – lui en interdit l’accès, comme à beaucoup d’autres femmes. La jeune
bachelière rejoint alors les rangs de l’organisation des Moudjahidines du peuple
d’Iran, le groupe d’opposition politique le plus important du pays. Dans sa
ville de Racht, au nord de l’Iran, elle travaille alors comme correspondante
pour le quotidien « Moudjahid ». Mais rapidement, l’organisation de
musulmans progressistes devient illégale et son organe de presse est interdit
de parution.
« Malgré les risques, je voulais tout de même
continuer le combat, dans un souci de liberté et de justice, se
souvient Massoumeh Raouf. Pendant cette période très difficile, je
recueillais des témoignages, des informations sur les victimes du régime des
mollahs. Je tenais à enregistrer ce que l’on ne pouvait alors même pas imaginer
dans le silence assourdissant qui régnait sur le sujet ». Le
danger finit toutefois par rattraper la jeune femme. Le 13 septembre 1981,
alors qu’elle se rend chez la mère d’un opposant emprisonné pour l’interviewer,
elle se retrouve encadrée par des gardiens de la révolution. « Ils
m’ont arrêtée mais ne me connaissaient heureusement pas. Je n’avais rien sur
moi qui pouvait me relier à l’organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran,
à l’exception d’un petit bout de notes de mon carnet, que j’ai avalé. Les
membres de l’organisation étaient alors condamnés à mort ».
Après un procès de dix minutes, faute de preuves suffisante mais sur la base de
« soupçons »,
Massoumeh Raouf est condamnée à 20 ans de prison. Elle a alors
20 ans.
L’écriture pour
témoigner
La jeune femme passera huit mois dans les
geôles iraniennes. Evadée dans des circonstances qu’elle racontera bien plus
tard en détail dans son ouvrage « Evasion de la prison d’Iran », elle
doit alors vivre dans le plus grand secret. Tout en affrontant à distance les
terribles conséquences de son évasion sur sa famille, elle doit alors se
cacher. D’abord auprès de membres de la résistance en Iran, puis au Kurdistan
Iranien, au Kurdistan Irakien et enfin en France, après avoir déposé une
demande d’asile auprès de l’ambassade en Irak. Arrivée en 1985 en région
parisienne, celle qui ne connaît alors rien de la langue française participe à
plusieurs projets de recherche sur les prisons du régime de Khomeini, pendant
plusieurs années, notamment en compagnie d’Amnesty International.
C’est finalement en 2018 que Massoumeh
Raouf publie son premier livre en français. Une bande dessinée, écrite en hommage
à son frère Ahmad, arrêté juste avant son évasion et exécuté en 1988 avec
30 000 autres prisonniers politiques membres des Moudjahidine du
peuple d’Iran. « Je n’avais encore jamais osé écrire en
français, car ce n’est pas ma langue maternelle, mais quelque chose m’a poussé
à le faire : le nouveau silence assourdissant qui enveloppait ce massacre
impuni. Plus qu’une bande dessinée, c’est un témoignage historique et un appel
à la justice. Car en racontant la vie de mon frère, qui avait 17 ans à
l’époque, je raconte l’histoire de 30 000 vies brisées. »
Au salon du livre de
Villemoisson-sur-Orge le 16 novembre
Avec ses deux ouvrages, « Un petit prince au pays des mollahs » (2018,
aux éditions S-Active) et « Evasion de la prison d’Iran »
(2022, aux éditions Balland), Massoumeh Raouf propose donc, à travers son
histoire personnelle, une perspective sur l’histoire récente de son pays.
« Pour
moi, écrire ces livres n’est pas simplement faire une œuvre littéraire. Cela
fait aussi partie de ma lutte pour la justice, et pour attirer l’attention du
public sur la terrible situation en Iran. »
Journaliste dans le nord de
l'Essonne. Il traite notamment les sujets de Paris-Saclay.
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