Ces jours-ci, une nouvelle choquante me hante, une nouvelle qui sent le sang, la haine et la vengeance. L’agence de presse Fars, affiliée aux Gardiens de la Révolution, appelle ouvertement et sans aucune honte, le 7 juillet 2025, à la répétition du massacre de 1988 ; un crime resté impuni pendant des années, comme l’a maintes fois souligné Amnesty International.
[Par Massoumeh Raouf, sur oeil-maisondesjournalistes.fr publié le 11/07/2025]
Une justification effrontée du régime
En tant qu’ancienne prisonnière politique, et plus douloureusement encore, ayant perdu mon cher frère Ahmad Raouf Basharidoust dans cet été sanglant de 1988 – dont j’ai raconté l’histoire dans mon livre « Un Petit Prince au pays des mollahs » – je considère ces déclarations non seulement comme provocatrices, mais aussi comme un avertissement sérieux pour l’avenir de l’Iran. Car avant 1988, alors que j’étais encore derrière les barreaux, j’ai souvent entendu mes bourreaux dire : « Si nous sommes sur le point de tomber, nous ne laisserons aucun de vous sortir vivant de prison. » Cette menace s’est concrétisée ; beaucoup de mes amis et codétenus ont été tués lors de ce même massacre, et si je ne m’étais pas évadée de prison – histoire que je relate dans mon livre « Évasion de la prison d’Iran » – j’aurais été l’une de ces victimes.
Comment osent-ils qualifier le massacre de plus de 30 000 prisonniers politiques, dont l’immense majorité était des membres ou sympathisants de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), d’« expérience historique réussie » ? Ces paroles, empreintes d’un cynisme inouï, transpercent le cœur et déchirent l’âme de ces millions d’Iraniens dont un être cher, un membre de leur famille ou de leurs proches, a été arraché à la vie lors du massacre de 1988.
Mon frère et des milliers d’autres innocents n’étaient ni des terroristes ni une menace pour la sécurité nationale. Ils ont été conduits à la potence uniquement pour leurs convictions, pour leur courage dans la défense des idéaux de liberté de l’OMPI et leur refus de se soumettre à l’idéologie extrémiste des religieux au pouvoir en Iran.
L’éditorial de Fars, avec une effronterie totale, qualifie ce crime de « chapitre brillant » dans le bilan du régime et loue des individus comme Ebrahim Raïssi, qui ont joué un rôle direct dans ce « plus grand crime de l’histoire contemporaine de l’Iran », selon l’Ayatollah Montazeri, successeur de Khomeiny à l’époque. Je cite l’article : « Contrairement au récit des réseaux antirévolutionnaires qui présentent les exécutions de 1988 comme des violations des droits humains, l’opinion publique comprend aujourd’hui la nécessité de telles actions décisives contre le terrorisme intérieur. » Ils tentent de justifier ces actes criminels en répétant des accusations fallacieuses et obsolètes contre les Moudjahidine, les qualifiant de « secte » et d’« organisation terroriste ».
Condamnation mondiale contre la propagande du régime
Mais la vérité brille comme le soleil ; la communauté internationale, les Nations Unies et les organisations de défense des droits humains ont clairement déclaré que le massacre de 1988 constitue un « crime contre l’humanité » et des « crimes génocidaires ». Après une enquête de plusieurs années, le rapporteur spécial des Nations Unies, Javaid Rehman, a conclu en 2023 que ces exécutions « constituent des crimes contre l’humanité et des atrocités à visée génocidaire » et a exigé que les responsables en soient tenus responsables. Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) milite systématiquement pour cette reconnaissance internationale.
Une fatwa née de la défaite et du désespoir
Je vous rappelle que Khomeiny, après avoir bu la « coupe empoisonnée » de la résolution 598 de l’ONU, mettant fin à huit ans de guerre futile avec l’Irak et sacrifiant des centaines de milliers de vies, a émis une fatwa ordonnant l’exécution immédiate de tous les prisonniers politiques fidèles aux Moudjahidine. Cette action, comme l’article le souligne, n’était pas un signe de force, mais de désespoir et de panique ; un besoin urgent d’un bouc émissaire et d’un choc violent pour faire taire une société épuisée par la guerre. Fars News affirme que ces exécutions étaient nécessaires pour « assurer la sécurité nationale, rendre la justice et neutraliser la menace terroriste persistante ». Mais l’histoire et les témoignages des survivants prouvent qu’il s’agissait d’un massacre organisé pour écraser toute opposition, en particulier l’Organisation des Moudjahidine du Peuple, qui demeure aujourd’hui l’ennemi le plus redouté et le plus résistant du régime.
L’inévitable : La terreur intérieure pour retarder la chute
Pourquoi aujourd’hui le régime revient-il sur ce crime horrible ? L’article le souligne : le régime semble être dans une situation désespérée. Il a subi des défaites cuisantes, avec des hauts responsables du CGRI éliminés, des opérations de renseignement compromises, et son infrastructure sécuritaire autrefois vantée révélée comme vulnérable. Dans cette situation, la seule solution qu’ils envisagent est d’intimider et de réprimer la société en répétant les cauchemars du passé. Mais nous ne sommes plus dans les années 80. Le peuple iranien et le monde entier nous observent. Le réseau de l’OMPI reste plus actif que jamais à l’intérieur du pays, et la pression juridique internationale s’intensifie. Dans ce contexte, le Fars conclut : « le régime ne voit plus qu’une seule voie à suivre : la terreur intérieure pour retarder l’inévitable. » Ce n’est qu’une tentative désespérée d’instaurer la peur et de réprimer une société au bord de la rébellion. Mais l’histoire a prouvé que la force et la répression ne mènent nulle part. Le sang de mon frère et de milliers d’autres innocents ne sera jamais oublié, et cet appel terrifiant d’un passé sanglant, étayé par les propres mots du régime et les faits avérés, ne fera qu’accroître notre détermination à obtenir la liberté.